28 janvier 2004

 

Résumé de l'épisode précédent pour-ceux-qu'ont-du-mal-à-lire-mes-posts-jusqu'au-bout-parceque-je-suis-une-grande-bavarde
Constat clinique (7)

La nostalgie est un poison lent.
Le souvenir du plaisir est une douleur.
La douleur, sublimée par le temps, est un bien coupable plaisir.

"La mélancolie des passions nous chloroforme"


Bidibi posted this at 18:32.

 

Post à réactions
Airports freak me out

Fond sonore : David Bowie, "Battle for Britain" (Earthlings)
Je porte : pâle
Atmosphère : cotonneuse
In the mood for : running
Say the word : aéroplane


Comme si le lot de peurs déraisonnables que je traîne depuis ma tendre enfance ne suffisait pas, je viens de me découvrir une nouvelle phobie : celle des aéroports. Sans doute parce que mon jeune espoir masculin préféré m'a joué une scène d'anthologie à Orly, avec tous les ingrédients du drame à la clef : grande déclaration, adieux larmoyants, baisers salés en conséquence, et surtout bien amers (voyez la jeune fille au drap de roses, elle vous racontera tout ça bien mieux que moi).

Je n'ai pas depuis remis les pieds dans ce lieu tout droit sorti des cerveaux d'architectes aussi pompidoliens que peu inspirés. Mais à deux reprises ce mois-ci, j'ai dû me rendre à Roissy pour accompagner et récupérer ma petite mère, qui, tout juste arrachée à son joli jardin du Nord et lâchée dans un aéroport international, se métamorphose en improbable double féminin de monsieur Hulot.

Je ne pensais pas avoir hérité de cet été caniculaire et amoureux une peur-panique des aéroports. Mais, sitôt sortie du bus, l'air épaissi par les vapeurs d'essences et de kérosène a étreint mon corps et mon coeur, alors qu'autrefois, je le remarquais à peine. Une fois entrée dans l'aérogare, prise dans la course folle des chariots à bagage poussés par d'arrogants business men, assaillie d'annonces prononcées par de suaves voix féminines, bousculée par l'égoïsme d' individus n'ayant cure de ce qui se passe autour d'eux, j'ai senti mon coeur gonfler dans ma poitrine.

Je n'ai pourtant rien d'une agoraphobe : tout juste éprouve-je une vague angoisse dans les couloirs de correspondance grouillants de Châtelet-Les Halles. Mais le sentiment d'étouffement qui s'est emparé de mon corps à Roissy n'avait rien de semblable.

Tandis que j'accompagnais ma mère à son avion, destination Papeete, j'avais mis ce sentiment confus sur le compte de l'angoisse de la laisser s'envoler pour l'autre côté de la terre. A son retour, saine, sauve, bronzée, et surtout un peu plus débrouillarde, j'ai pourtant continué à ressentir ce trouble. Avec l'envie de sortir de là au plus vite, quitte à faire piquer un sprint à ma génitrice ankylosée par 22 heures de voyage. Oublier ces voyageurs aux traits tirés, ces fausses blondes bronzées aux UV et invariablement vêtues de rose bonbon, ces regards angoissés rivés sur les tableaux d'affichage, ces pauvre hères maigres et sales endormis dans les coins sombres du hall d'arrivée et traqués sans relâche par quelques militaires se promenant le doigt sur la gâchette de leur mitraillette.

Et puis ces amoureux dont on mesure la sincérité à l'intensité de leurs effusions lors des retrouvailles ou de la séparation. Ce couple, bon chic bon genre, en Ralph Lauren, qui s'embrasse du bout des lèvres. Elle se mêle à la foule sans se retourner. Il n'attend pas qu'elle disparaisse de son champ de vision pour repartir. Eux, plus jeunes, plus pâles, s'enlacent et se cajolent. Elle n'a pas besoin de s'excuser de lui dire qu'il va lui manquer. Il n'a pas besoin de retenir les larmes qui perlent au coin de ses yeux.

Nous étions quelque part entre ces quatre là. Quand je me suis retournée, le coeur cognant dans ma cage thoracique, tu n'étais déjà plus là. Envolé !

Je déteste les aéroports, et j'ai mes raisons.


Bidibi posted this at 18:30.


26 janvier 2004

 

A la limite de la dérivée
Mathématyrannie

Fond sonore : Goldfrapp, "Tip Toe" (Black Cherry)
Je porte : de bien petits yeux (nuit sans sommeil)
Atmosphère : sleepy
In the mood for : sleeping
Say the word : insomnie


Il y a bien longtemps, dans un continent oublié nommé Adolescence...
Il y avait les matins avant, l'estomac dans les talons, les formules révisées à la hâte sur la table du petit déjeuner, dans la voiture ou dans le train.
Et pendant, les regards désespérés jetés aux camarades studieux qui noircissaient leur copie double.
Et après, la journée qui se traîne en longueur, grise, amère, avec des "ah si seulement" plein la tête.
Le week end suivait. Pas le coeur à penser autrement qu'en condamné attendant son verdict.
Des angoisses à se tordre de douleur.
Le lundi, le sourire sadique de Madame R., Monsieur L. ou Monsieur Z.
Qu'importe, la sentence est toujours la même.
Tout juste la moyenne.
Ou un peu en dessous.
Quelques fois, un petit miracle.
Mais jamais au-delà d'un douze poussif.
Et cette aristocratie des cracks en maths.
Et cette impression que je ne ferai rien de bon dans la vie à cause de ça.
Que même pour faire journaleuse, il faut être fort en maths, si on en croit ces foutues statistiques qui mettent le bachot S devant tous les autres dans les entrées aux jolies écoles visées.
God damn stats.
L’amiral Larima
Larima quoi
La rime à rien
l’amiral Larima
l’amiral Rien
Envie de lettres, envie qu'on me parle du monde, du vrai, pas l'obscur caché au fin fond de formules trigonométriques dont la magie ne me touchera que rarement.

Ces jours entiers gâchés à s'angoisser et puis un après-midi je me retrouve adulte, presque épanouie, sur le trottoir de la rue des Ecoles.
Dans une file d'attente d'un cinéma de quartier.
Devant moi, revenante de mes plus anciens cauchemars, l'ennemie.
Elle tient un paquet de copie à la main.
Des écritures rondes, ou penchées vers la gauche.
Imitées sur l'élève le plus charismatique.
Ou les pattes de mouches de ceux qui restent en retrait.
Ceux qui souffrent d'être un peu décalés.
Moi je me souviens, j'écrivais beaucoup.
De longues phrases pour expliquer ce que j'avais l'intention de faire.
Pour humaniser un peu la chose.
Pour avoir l'impression de m'adresser à quelqu'un, et pas à un ordinateur.

Mais pour tous, le même traitement.
Elle rature allégrement des pages entières de calcul de fonctions, dérivées, limites.
Ironise dans la marge.
Sourit de ses audaces de correctrice impitoyable.
Distille les points au compte-goutte.
Porte l'estocade avec ses observations, fatales.
"Où étiez-vous ces six derniers mois?
"Le bac, c'est en juin, et il y a du boulot"
"Vos calculs de limites sont... limites"

C'est une petite femme, l'air aimable et doux
On finit par engager la conversation autour du beau mélo que nous sommes venues voir.
En mémoire de mon calvaire de non-matheuse, je la prie de ne pas être trop sévère avec ses jeunes disciples.
Elle me dit : "S'ils sont nuls, je n'y peux rien !"
Je finis par me dire qu'elle leur rend service.
Car l'ado nul en maths peut faire un adulte très épanoui. Enfin presque. Cf. plus haut.
Peut-on en dire autant de certains de nos amis bloqués depuis le bac dans des abstractions dont ils ne verront jamais le bout?

(Autres scènes cocasses ce week end, encore une fois rue des Ecoles : une petite mamie venue voir Kill Bill sort en courant de la salle en plein milieu de la projection, visiblement horrifiée par le réjouissant bain d'hémoglobine offert à ses yeux. Le lendemain, une sexagénaire pomponnée s'indigne tout haut alors que le projectionniste coupe le générique de Loin du Pardaisavant la fin, d'un énergique "Ah non". Elle a raison : il serait tout de même bien triste que la manie des chaînes de télé à couper ou accélérer les génériques gagne les salles obscures, car elles restent le seul endroitoù l'on peut rendre hommage à ces techniciens aux noms aussi abscons que fascinants : best boy grip, gaffer, key grip, et autres dolly grip)



Bidibi posted this at 19:05.

 

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