03 janvier 2004

 

Ces anecdotes qui me réjouissent (1)
Les larmes de Boris

Fond sonore : Pulp, "David's last summer" (His'n'hers, 1994)
Je porte : quatre pulls
Atmosphère : romanesque
In the mood for : reading
Say the word : ukulele


La fille de Boris Pasternak raconte qu'alors qu'il achevait d'écrire son chef d'oeuvre, l'auteur du Docteur Jivagos'est précipité dans les bras de sa femme en pleurant, lâchant dans un sanglot la raison de sa tristesse :

"Youri Jivago est mort"




Je vous souhaite à tous une très belle année


Bidibi posted this at 23:46.


30 décembre 2003

 

Conte du Nouvel An
La jeune fille au drap de roses

Fond sonore : Peter Gabriel, "Moribund the burgermesiter" (Peter Gabriel I)
Je porte : trois pulls
Atmosphère : rêveuse
In the mood for : dreaming
Say the word : onirique


Je suis la princesse du chateau.
J'ai huit ans.
Dans la cour de récré, un petit garçon m'a demandé si c'était vrai que je vivais dans un chateau.
Je n'ai pas démenti.
Il m'a demandé si je voulais bien être sa princesse.
Je lui ai répondu que je n'en savais rien.

Le soir, en rentrant chez moi, j'ai réalisé que je vivais vraiment dans un chateau.
Sans donjon, sans pont-levis, sans la moindre tourelle.
Mais avec, tout autour, un mur très haut que l'imagination fertile de mes petits camarades d'école avait impunément franchi.
Mais avec, dedans, un vrai salon de réception, tendu de tissus aux couleurs extraordinaires, reproduisant le manège des saisons.
Et dans la pièce dédiée au Printemps, mon piano.
Et dans celle dédiée à l'Automne, mon boudoir.
Et dans celle dédiée à l'Hiver, un sapin décoré de rouge et d'or et des livres partout où se pose le regard.
Et dans celle dédiée à l'Eté, la jeune fille au drap de roses.
Et cette douce lumière filtrant à travers l'ovale des vitres, le balancement des arbres projeté sur le sol et sur les murs et sur les livres et sur le piano.
Et sur la jeune fille au drap de roses.

Le lendemain, pleine de l'assurance de mes huit ans, je suis allée retrouver le petit garçon, et je lui ai dit que j'étais une vraie princesse.
Mais il était trop tard ; il tenait à la main une petite fille qui tenait à sa main un bouquet de perce-neige.
Il s'était choisi une autre princesse.

J'ai résolu de ne plus jamais me perdre dans des histoires de princes et de princesses.
Depuis, j'ai appris que j'avais du sang bleu. De la main gauche. Mais du sang bleu quand même.
Alors je suis un tout petit peu princesse.
Dis, maman, est-ce que j'ai encore un tout petit peu le droit de croire au prince charmant?
"Regarde les Grimaldi, ma chérie"
Il n'y a plus rien de magique, dans ce monde.
Même les histoires de princes et de princesses.
Quand l'enchantement a-t-il cessé?
"Relis L'allée du roi, ma chérie"
Depuis si longtemps?

Je suis allée demander à la jeune fille au drap de roses.
"N'ai-je pas raison de croire encore aux histoires de princes et de princesses?" lui ai-je demandé.
"Si, si" m'a-t-elle paresseusement répondu. "Mais tu n'es pas un peu trop vieille pour ça?"
Ainsi, un jour, l'enchantement doit cesser.
J'avais dix-sept ans.

Aujourd'hui, j'en ai presque vingt-quatre, et je ne m'y suis toujours pas faite.
Peut-être les Princes sont-ils juste un peu moins charmants qu'avant?

Pourtant ils rivalisent toujours de ces petites attentions qui vous subjuguent, transformant le moindre paquet de cigarette en origami romantique.

Pourtant ils choisissent toujours des lieux merveilleux pour poser sur vos lèvres le baiser fatal.

Une balançoire.
Un hamac.
Autour d'un feu de camp ou d'un narguilé.
L'aéroport d'Orly, aux arrivées.
La rue de Liège. Oui, même la rue de Liège peut revêtir des atours romantiques.
Devant la petite échoppe d'un marionnettiste, sur l'île Saint-Louis.

Et ils mettent le même soin à choisir les endroits où ils vous diront au revoir, tantôt.

Sous les néons rouges d'un cinéma lillois.
L'aéroport d'Orly, aux départs. Les bagages déjà enregistrés. Dernier appel pour les passagers à destination de Brest.
Et cette course dans les couloirs pour ne pas rater l'avion, les larmes aux yeux.
Et ces gens, dans l'avion, qui vous regardent pleurer.
Et la buée sur les hublots.
Et les lumières de Paris, tout en bas. Indécentes lueurs d'un espoir anéanti en dix secondes, sept mots, un regard.
Mais il en faut plus pour l'anéantir complètement.
L'espoir ranimé par un coup de fil.
Puis tué un mois plus tard par un autre coup de fil.
Dans les coulisses du Théâtre T., il a prononcé le mot "fin", juste avant les trois coups.
Et je lui ai fait une scène.
C'était mon monologue.
Ô, reste, Oreste.
Mais Oreste est parti.
Rideau.

Plus tard, un autre prince. Un autre mois.
Le boulevard Malesherbes, à la sortie d'un pub.
Les joues piquées par le froid.
Réchauffées, un peu, par les larmes.
Le square Louis XIV, soudain plus lugubre encore.

Quelques mois avant, le Printemps.
Assise sur le même banc, je lisais La maison du jeune homme seul.
Avec l'envie irrésistible de lui tenir compagnie.

Le siècle a tout juste quatre ans.
Il ne fait que commencer.
Il ne faut pas désespérer.
Me dit la jeune fille au drap de roses.





Y a pas à dire, j'aime bien la vie
Et un peu trop les beaux garçons.
chantait la Môme.


Souvenirs entremêlés de 1988, 1997, 2001 et surtout 2003. Merci à vous, mes petits Princes, j'ai tendance à ne garder de vous que les meilleurs souvenirs. Peut-être est-ce ce qui me perd. Mais dans ce texte j'ai écrit les trois lettres du mot "fin". C'est un bon début. C'est un bon recommencement.







Bidibi posted this at 18:19.


28 décembre 2003

 

Cyclopoème
L'amour, toujours

Fond sonore : Velvet Underground, "New Age"
Je porte : mon peignoir avec des petits coeurs partout (et qui date de mes douze ans)
Atmosphère : tourmentée
In the mood for : Août
Say the word : Oreste


C'est bien là la force de la poésie : nous toucher en plein coeur cinq siècles après avoir été écrite. Ou bien est-ce la force des passions et de l'amour, que des siècles de déclin et de progrès, de guerre et de paix, n'ont pas su altérer. Ou bien suis-je juste une grande amoureuse, comme on n'en fait plus, du moins me plais-je à le croire. Mais laissons Louise causer.

Je vis, je meurs : je me brûle et me noie
J'ai chaud extrême en endurant froidure :
La vie m'est et trop molle et trop dure.
J'ai grands ennuis entremêlés de joie :

Tout à coup je ris et je larmoie,
Et en plaisir maint grief tourment j'endure :
Mon bien s'en va, et jamais il dure :
Tout en un coup je sèche et je verdoie

Ainsi Amour inconstamment me mène :
Et quand je pense avoir plus de douleur,
Sans y penser je me trouver hors de peine.

Puis quand je crois ma joie être certaine,
Et être au haut de mon désiré heur,
Il me remet en mon premier malheur.

Louise Labé, Sonnets VII


PS : Je dédie ce post feignant à J-P, de Presque-Paris, over the bridge ("we gooo, looking for loooove", comme le chantait un autre poète, un poil plus décadent, de sa cave en velours), histrion ibère de son état, qui ne croit toujours pas qu'il puisse inspirer de telles passions. Les mérite-t-il? 2004 nous le dira.


Bidibi posted this at 11:42.

 

Up ! Up !! Up !!!
Selling good sound by the pound

Fond sonore : Peter Gabriel, "Mercy streets"
Je porte : un gros pull
Atmosphère : envoûtée
In the mood for : Paris
Say the word :ovo


Toujours en vacances chez mes parents, je me trouve chaque soir confrontée à l'ennui crasse du fin fond de la campagne. Non que je sois devenue une parisienne dédaigneuse, mais quand le seul cinéma à peu près correct est à quarante bornes de chez vous et qu'au milieu de la nuit, seul le son des vaches meuglantes vous parvient aux oreilles, l'ennui vous guette. Comme le tube cathodique fait l'objet chez mes parents d'un culte quasi-dévôt, je me plie donc de bonne grâce aux séances de télé en famille. Faute de mieux. *snourgl*

Ce soir cependant, voyant mon père hésiter mollement entre la énième rediff des enfoirés d'il y a dix ans sur Paris Première (il suffit de calculer la masse capillaire sur le crâne de Goldman pour en connaître le millésime ; ne pas se fier à ses oeuvres, ça fait vingt ans qu'il réécrit la même chanson) et ce programme au titre terrifiant : "les plus belles voix du Québec" (j'en frémis encore, la simple vision de Céline Dion et de sa crinière jaune pisse chantant en duo avec Garouuuuuuuuu dépasse en horreur Freddy contre Jason), j'ai fini par trancher.



Nous avons donc passé un pure moment de poésie et d'émotion, entre Downside Up et Mercy streets. Peter Gabriel, chauve et rondouillard, a toujours cette voix sublime qui fait vibrer les grandes salles, et cette saine mégalomanie qui fait plaisir à voir. Concert grandiose, mise en scène dépassant l'entendement, musiciens au petit poil : je regrette vraiment d'avoir raté le gars Peter lors de son passage à Paris en avril dernier. Mais bon, quand on a vu Macca, Bowie, Robbie et Damon la même année, on n'a pas le droit de se plaindre. N'empêche.


Bidibi posted this at 00:27.

 

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